Le thème du séminaire :
La question — « Qu’est-ce qu’un livre ? » —, posée par Emmanuel
Kant, il y a plus de deux siècles, a-t-elle gardé toute sa pertinence
interrogative et sa puissance épistémologique au temps nouveau que certains
définissent comme celui d’une révolution non seulement des supports de lecture
mais également, et plus profondément, de la lecture ou plutôt d’un mode de
lecture et même d’un mode d’appropriation de la connaissance que le livre sous
sa forme aboutie de codex avait engagé et qui serait désormais remplacé par le
numérique ? Qu’en est-il de la structure
du livre sinon de son essence ? Si le livre a toujours été situé au croisement
du matériel et du spirituel, il n’est pas qu’un objet, un outil ou un
« ustensile », il est aussi une véritable « modalité de notre
être » ou une « référence ontologique de l’humain » pour
reprendre Lévinas. La totalité de la société pouvait se fixer, se concentrer
dans le livre, lui-même étant une forme de concentration du temps et de
l’espace, comme s’il pouvait se dilater jusqu’à épouser les formes de la
société (la Bible). Reste que l’essence du livre ressortit à la pensée d’un
auteur ; la « spiritualité » de l’œuvre, à savoir le fait de
déposer un texte écrit, ressortit en effet à l’esprit de celui qui l’a pensé.
Le livre est bien un « objet investi d’esprit » pour emprunter à
Husserl. Malgré cette histoire, et depuis l’apparition et le développement récent
de la technologie du numérique, on assiste par contre à un vacillement du
statut de l’objet « livre ». N’est-il pas maintenant devenu habituel
de distinguer le « livre papier » du « livre électronique »
pour mieux appréhender l’un et l’autre et pour mieux apprécier les enjeux réels
qu’ils représentent. Nous devons nous interroger sur la portée socio-politique
de cette innovation non seulement eu égard au caractère « professionnel »
du rapport au livre en tant qu’auteur, lecteur, éditeur, libraire,
bibliothécaire…, mais aussi eu égard au rapport d’intimité, à savoir ce lien
consubstantiel entre soi et cet objet séculaire sur lequel l’Université s’est
en grande partie fondée et s’est en grande partie développée depuis le Moyen
Âge.
Premiers invités : Olivier Bessard-Banquy (le 3 octobre) ; Julien Hage (le 24 octobre) ; Cédric Biagini (le 5 décembre) ; Yves Desrichard (le 12 décembre)
Adresse : Pôle des métiers du livre, 11, avenue Pozzo-di-Borgo, 92210 – Saint-Cloud (pour tout renseignement complémentaire : 06 37 46 75 55).